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EXTRAITS DE CHATIMENTS de Mama Moussa Diaw

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Toutes ces frustrations, mélange de honte, d’humiliation et de rancœur avaient fini par ronger Marcel. Il n’avait jamais imaginé vivre une telle situation chez lui. S’il avait continué à supporter cette amertume, qu’il ne pouvait plus partager avec quelqu’un, il aurait accéléré sa déchéance. Il avait accumulé trop de coups durs depuis le divorce, l’annonce de la maladie, la nouvelle orientation sexuelle, le licenciement, le chômage et la séparation. Pour survivre, il était contraint de se délocaliser, comme son ancienne usine. Il était Français mais, il ne pouvait vivre qu’au Sénégal !..........Malgré toutes ces considérations, Marcel ne comptait pas se faire enterrer en France. Un pays qui ne pouvait plus lui garantir une fin de carrière normale ne méritait pas de fertiliser ses sols avec sa dépouille.
Il comptait devenir Sénégalais comme de nombreux immigrés africains s’étaient naturalisés Français. .....


.......Curieusement, Fanta n’était pas dans les mêmes dispositions, elle ne s’y habituait pas. Elle se montra particulièrement nerveuse, manifestant sa désapprobation dans chaque geste, dans chaque mouvement. Elle crachait tout le temps que son fils n’irait pas là-bas, qu’il n’avait rien à y faire, que tout ce qu’il cherchait était déjà à ses pieds, si seulement son père faisait l’effort de le lui donner .Seydou ne comprenait rien à cette réaction trop disproportionnée pour un simple voyage, ni ce qu’elle sous-entendait. Il se souvenait que Fanta avait eu, à peu près, la même attitude quand il devait participer à l’initiation alors que c’était pour son bien. Parfois l’amour de sa mère se manifestait trop fortement, comme s’il avait encore deux ou trois ans. Il était un homme désormais, et elle ne semblait pas l’avoir remarqué !
L’Absent, comme d’habitude, n’avait pas réagi. Il était resté de marbre et avait continué à faire ses bagages tranquillement. Cette attitude finissait toujours par exaspérer Fanta, qui se sentait impuissante. Les remarques, les suggestions et les contestations étaient inutiles quand son mari prenait une décision, même si c’était le sort du fruit de ses entrailles qui se décidait. A la limite, elle pouvait noyer son chagrin dans les larmes.
Le lendemain, au moment du départ, elle les suivit jusqu’au croisement, tentant, une dernière fois, de les retenir en suppliant son mari. Seydou, complètement déboussolé, ne se retrouvait plus dans cette situation. Quelque chose lui disait que ce voyage ne ressemblerait pas aux autres même si, en général, avec son père, il ne s’éternisait pas.
Peut-être que sa mère s’inquiétait pour rien. Elle n’avait jamais pleuré autant, allant jusqu’à s’accrocher à lui pour l’empêcher de monter à bord du minibus. L’Absent dut le tirer violemment pour l’arracher à sa mère qui tomba à la renverse sur la chaussée rugueuse.
Quand le véhicule démarra, l’enfant ne put détacher ses yeux d’elle, affalée, la tête entre les mains, pleurant de tout son corps. Il sentit qu’on le tirait vers le bas et il tomba sur les cuisses de son père.